Le sujet était d'imaginer un véhicule de style néo-rétro faisant référence à un ou plusieurs modèles du patrimoine de Peugeot. Le dessin que j'ai envoyé est ainsi un hommage à la 402, une Peugeot révolutionnaire pour son époque (1936-1939) de par sa carrosserie aérodynamique et ses phares resserrés derrière la calandre.
Fuseau était le nom donné à la ligne aérodynamique (suivant le courant artistique américain Streamline) de la série Peugeot en 02 (402 puis 302 et enfin 202) juste avant la guerre. "Fus08" est ainsi la contraction de "Fuseau 08", la série des 08 devant apparaître prochainement.
Voici le gagnant de l'édition 2002 du concours Peugeot. Stephan Schulze a fini lauréat parmi environ 2800 participations. Sa proposition fait elle aussi référence à la 402 (la calandre surtout) mais on notera également la similitude avec la Lexus futuriste présente dans le film "Minority Report" sorti cette année-là.
Stephan Schulze a pu voir réalisé son projet à l'échelle 1 et exposé au salon de Francfort de 2003 sous le nom de 4002. Cette maquette a également été produite au 1:43 par le fabriquant français de miniatures Norev.
2006. La marque au lion procédera au remplacement de son modèle de sommet de gamme, la grande routière 607, par un nouveau modèle qui devrait inaugurer la série des "08" et vraisemblablement se nommer 608. Si l'on remonte l'échelle du temps, 70 années plus tôt, la gamme des grands modèles de PEUGEOT, les 401 et 601, se voyait supplantée par l'avènement d'un étonnant modèle, la 402, qui posait aussi les jalons de la série "02". L'étude "Fus08", contraction de "Fuseaux Sochaux" et de "série 08", veut ainsi rendre un hommage aux modèles d'avant-garde de PEUGEOT sortis juste avant-guerre, les 402, 302, 202 (et dérivés).
1936. La nouvelle grande routière de PEUGEOT, la 402, étonne, interpelle, mais surtout plaît et convainc. Car en ces temps qui conservent en mémoire la crise de 1929, l'aérodynamisme est de règle pour réduire la consommation d'essence des automobiles et pour en faire des objets à la pointe du progrès. Le style (très vendeur) alors au fait de sa gloire et qui cède à l'aérodynamisme est le "Streamline", d'après les préceptes de Raymond Loewy et Richard Dreyfus, qui se signale par des lignes fuselées, souples, courbes et pleines. Dès 1932/1933 nombre de constructeurs automobiles se lancent dans cette voie en ajoutant à leur gamme, qui garde encore les réminiscences des hippomobiles, des modèles qui concilient avec plus ou moins (très souvent moins) de bonheur les nouvelles vertus de l'aérodynamisme. De fait, le premier écueil rencontré est que les voitures sont maladroites, déformées et généralement inhabitables. Plus pragmatiques, les premiers vrais modèles réellement aérodynamiques apparaissent entre 1934 et 1936. Si la Chrysler Airflow de 1934 peut être considérée comme la légitime première intention du genre, elle ne peut faire oublier sa retombée médiatique quant à son rejet du public à sa sortie et son insuccès commercial. Pourtant deux ans plus tard, PEUGEOT semble avoir trouvé la solution miracle. Le très original modèle 402 qui ouvre une nouvelle ère au constructeur sochalien, est réellement dans le vent (c'est le cas de le dire), mais en plus il réconcilie tout le monde, de l'aérodynamicien à l'esthète en passant surtout par le consommateur et fidèle de la marque. Car si la 402 pousse très loin les lois aérodynamiques, elle les met de plus à son profit pour le style et l'élégance. Joliment surnommée "la mariée", elle étrenne des lignes très fuselées, toutes en courbes harmonieuses et en souplesse dont l'élément qui n'est pas le moins surprenant est la calandre bombée en cœur qui recouvre son regard. Outre ses phares resserrés derrière la calandre, signalons aussi l'arrière dit "en queue de castor" en courbes et contre-courbes et qui fusionne avec des ailes enveloppantes terminées par des jupes, telles la traîne d'une mariée. Rassurante et séductrice par ses formes, la 402 l'est aussi par ses choix techniques modernes, son habitabilité et son confort de bon aloi, sa fiabilité et sa robustesse, qualités intrinsèques au constructeur au lion. Très appréciée, la recette sera reprise sur des modèles plus modestes, d'abord la 302, mais surtout la petite berline 202, autre succès commercial de la série. Stoppée en pleine croissance par le conflit mondial, la 402 laissera cependant un excellent souvenir à plusieurs générations et aujourd'hui encore sa carrosserie surprend et séduit toujours.
2002. "Fus08" se veut une réinterprétation rétro-futuriste des modèles de la série "02", en particulier de la 402 de 1936. Pour cela, elle en reprend, sous des traits modernes, les grandes lignes qui faisaient la force des "Fuseaux Sochaux". Elle intègre également les valeurs qui ont fait la réputation de PEUGEOT, à savoir le dynamisme (félinité), la sobriété, l'élégance et le confort.
En premier lieu, nous retrouvons l'esprit de la calandre, point-phare (si l'on peut dire!) avec sa forme de cœur, sa verticalité, son importante convexité et les optiques qui se tiennent serrées derrière. Dans le cas de "Fus08", la grille prend de l'épaisseur avec des retours latéraux et un nouveau dessin d'ajours en "griffe de chat" dont la répétition crée un motif emprunt du style art-déco. En outre, ce même motif se retrouve dans les phares biseautés enchâssés dans la calandre qui adoptent pour l'occasion une disposition centrée et très verticale, telles les pupilles d'un félin. La même griffe s'applique également au support du logotype, disposé en partie inférieure de la calandre, et dont les contours sont simplement suggérés par la longueur des ouïes de calandre. Ces ouïes de calandre dont les ailettes comportent de multiples ajours qui reprennent la silhouette du lion héraldique.
Désormais, à partir de cette calandre, partent toutes les lignes de la voiture qui fuient dans un grand élan aérodynamique vers l'arrière, dressant les contours d'une limousine, clin d'œil au modèle "conduite intérieure" de 1936. Une limousine bi-corps (solution devenue rare) promettant une habitabilité confortable sans pour autant se rallier au monocorps, conservant ainsi la fluidité des berlines. Ainsi, la pointe supérieure de la calandre, simulant les ornements de capots d'antan, se profile jusqu'à la baie de pare-brise, marque le sommet du capot en saillie, contourne tout le pavillon entièrement vitré pour rejoindre l'extrême pointe arrière tout en délimitant la découpe de coffre. De même, une large baguette chromée en V pointu très ouvert et symbolisant les pare-chocs à lames des années 30, souligne la calandre et vient esquiver les ailes avant non rapportées, scindant le volume du véritable pare-chocs en deux avec, d'une part la partie extérieure simulant les ailes convexes et d'autre part le pont intérieur jointif entre les ailes et le capot, lui concave à l'image de celui de la 402. Cette baguette se prolonge en ses extrémités par de très fins antibrouillards à technologie à diodes. De même, les ailes avant sont surplombées par des feux regroupant veilleuse et clignotant, en arc de cercle et terminés par une pointe à l'arrière. Tout comme pour la 402, ils permettent de délimiter la nuit venue l'encombrement du véhicule. De son côté, le capot en promontoire, à l'instar de celui d'une 307, prolonge la calandre dans la même courbe.
Le pavillon cintré devient quant à lui plongeant dans sa partie postérieure telle la traîne d'une mariée et vient se raccorder aux ailes arrières, intégrées et recouvrant les roues, dans des volutes analogues à celles de la 402. Dans le même esprit que pour la proue, une baguette chromée en V souligne la poupe et se prolonge de feux de recul offrant la même brillance chromée. Ces feux viennent se raccorder aux vitres de custode par un ensemble de feux rouges biseautés qui reprennent l'esprit de griffe déjà présent à l'avant. Les courbes de l'ensemble custode-feux-baguette suivent le même mouvement parallèlement à celles issues du pavillon et qui délimitent l'ouverture du coffre. Ledit coffre, à la pente sensiblement diagonale, se voit juste contrecarré par un (faux) couvercle de roue de secours extérieure plus vertical et qui émerge dans sa partie haute, la partie basse s'avérant au contraire en retrait du pare-chocs. Traitées symétriquement entre la proue et la poupe, des jupes de pare-chocs couleur aluminium viennent comme "porter à bout de bras" les baguettes chromées en mémoire des anciens pare-chocs et apportent à l'ensemble une touche de légèreté. Que ce soit à l'avant ou à l'arrière, ces jupes forment dans leur partie centrale un dièdre qui vient relayer celui du pavillon.
Car s'il est un élément également fondateur du style de la 402 et plus généralement des modèles aérodynamiques d'avant-guerre, c'est la présence d'un pare-brise en deux parties, formant en son centre un biseau, et permettant, par rapport aux pare-brise plats, un meilleur écoulement de l'air vers les flancs du véhicule. Avec l'amélioration des technologies et la possibilité de réaliser des vitrages courbes d'une seule pièce, ces pare-brise en deux éléments se sont vus définitivement abandonnés à l'orée des années 50. Ainsi, depuis un demi-siècle ils n'équipent plus nos voitures mais sur "Fus08" le pare-brise en dièdre est à nouveau mis en exergue, et ce dièdre se prolonge tout le long du pavillon vitré cher à PEUGEOT pour venir former la lunette arrière également en deux éléments, comme celle qui équipait la 402. En l'occurrence, de la base du pare-brise à l'extrémité inférieure de la vitre arrière, en passant par le pavillon, "Fus08" dispose d'un fin montant central qui vient accroître la rigidité d'ensemble. De fines baguettes chromées viennent signer le contour de tout ce pavillon de verre ainsi que souligner le montant central, séparant ainsi le matériau vitrifié du métal de la carrosserie.
Les flancs, pour leur part, offrent un profil légèrement curviligne ainsi qu'une ceinture de caisse relativement haute, symbole de puissance et de robustesse. La découpe en vague du vitrage latéral constitue un clin d'œil aux carrosseries "coach" des millésimes 38 et 39 avec leurs montants minces, l'absence de pilier central, la remontée au niveau du pare-brise et l'amorce de chute dans la partie postérieure. Dans le cas de "Fus08", cette courbe postérieure trouve son écho dans celle des feux rouges. La base des vitres latérales et des portes sont également agrémentées de fines baguettes en chrome. De plus, à l'image des pare-chocs, les bas de caisse font appel à des jupes couleur aluminium qui viennent détacher visuellement les ailes. Les très fines poignées d'ouverture de portes sont à disposition "opposées", celles concernant les portières avant se prolongeant discrètement d'une longue baguette et d'un évidement en mémoire des ouvertures latérales de capot profilées.
Enfin, les jantes reprenant le motif de griffe, témoignent d'une référence à la fois à celles du prototype "H2O" et aux jantes "Pilote" de la fin des années 30, reconnaissables à leurs palettes et leur moyeu bombé. Les pneus comportent, à l'instar des ailettes de calandre, un motif constitué par une répétition du lion héraldique en creux. L'empreinte ainsi laissée au sol sera celle du sigle de PEUGEOT vu en symétrie. Un sigle que l'on retrouve également sur les moyeux de roues, les jupes d'ailes arrière et sur la poignée circulaire d'ouverture de coffre aménagée au centre de la "roue de secours", telle le moyeu de cette dernière. Des caméras disposées au niveau du troisième feu de stop, dans la casquette de pavillon, assurent la rétrovision et la suppression des rétroviseurs pour plus de fluidité.
Alors, tout en rendant hommage au style des dernières PEUGEOT d'avant-guerre et en faisant preuve de nostalgie et de modernisme, "Fus08" traduit les valeurs inhérentes à la marque et toujours d'actualité: le dynamisme à travers l'expression de félinité, le regard perçant, les multiples griffes de chat et le caractère ainsi que les courbes fuyantes; la sobriété exprimée par des lignes pures, fluides, sans heurts; l'élégance par les détails et leur association, comme par exemple la calandre; et le confort par l'impression de bien-être qui s'en dégage, le pavillon vitré, les dimensions généreuses augurant d'une bonne habitabilité, le choix des matériaux et la technologie employée. Ainsi "Fus08" fait la liaison entre projection d'avenir et souvenir.
dessins et texte décembre 2002